“Prési”, “prési”, “prési” ! C’est ainsi que des jeunes le hèlent. Ces interpellations, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne sont pas destinées au tout nouveau président, élu il y a à peine deux jours, mais plutôt à l’opposant Ousmane Sonko.
Ces jeunes ont pris d’assaut son domicile des heures durant, guettant sa sortie. Enfin, il sort pour s’engouffrer dans son véhicule, escorté par ses gardes du corps, pour assister à la première sortie de son poulain Bassirou Diomaye après sa victoire éclatante dimanche dernier [24 mars] au premier tour de l’élection présidentielle.
À l’ombre de Sonko
Le nouveau chef de l’État a fait face à la presse pour décliner ses quatre chantiers prioritaires et aussi rassurer la communauté sous-régionale et internationale quant à sa volonté de respecter tous les engagements souscrits par notre pays. Un discours de remerciements, aussi, à l’endroit du peuple sénégalais, des candidats à l’élection, de son prédécesseur Macky Sall pour avoir organisé une élection “transparente”, et surtout, surtout à l’endroit de Ousmane Sonko, son mentor.
En effet, si c’est Bassirou Diomaye que les Sénégalais ont choisi pour présider aux destinées du pays, c’est le coaching et la supervision d’Ousmane Sonko qui, à travers ses astuces, sa ruse et ses stratèges, ont mis “K.-O.” tous ses adversaires.
“Un président qui a un président”
Les Sénégalais sont unanimes pour dire que le leader de Pastef est l’architecte, l’artiste, le concepteur, le créateur et le fondateur du projet Pastef-Les Patriotes. Un parti dissous en juin dernier.
“Certes c’est Bassirou qui est élu, mais d’abord, c’est la victoire d’un homme, de l’architecte, fondateur et non moins créateur de ce parti Pastef. Il n’a pas pu participer à ce rendez-vous électoral avec le peuple pour une affaire de viol montée de toutes pièces. Il n’a pas pu parce que le parti a été dissous en juin dernier pour divers crimes et délits dont ses dirigeants ont été accusés. Un parti antisystème qui a toujours prôné un discours de rupture sur la politique internationale, les politiques monétaire, économique, sanitaire, éducative, agricole, et le changement d’hommes”, estime Gérard Gomis, qui prédit la nomination de Sonko au poste de Premier ministre dans le premier gouvernement qui sera mis en place dans les jours à venir.
“À défaut de la création d’un nouveau poste de vice-président, il sera à coup sûr le Premier ministre à côté de Diomaye. Il est le père de la révolution patriotique”, soutient notre interlocuteur, ajoutant que ces “nouveaux élus”, Sonko et Diomaye, appartiennent à une génération très jeune. Deux jeunes qui n’ont jamais été dans les affaires et les secrets d’État. [Ousmane Sonko comme Bassirou Diomaye Faye ont été de hauts fonctionnaires, formés à l’École nationale d’administration. Seul Ousmane Sonko a eu des fonctions électives, devenant député à l’Assemblée nationale de 2017 à 2022 et maire de la ville de Ziguinchor depuis 2022.]
Sur un ton mi-sérieux mi-taquin, Gérard Gomis soutient que “Diomaye est un président qui a un président. Ce n’est pas une insulte. Mais c’est la triste réalité.”
“Petit frère”
Lui emboîtant le pas, Sylvie estime que “Diomaye Faye doit son ascension à Ousmane Sonko, qui l’avait désigné en juin dernier en tant que remplaçant après qu’il a été enlevé des listes électorales.” “Je l’ai choisi par réflexion objective et choix stratégique. C’est mon petit frère”, expliquait le leader de Pastef, tout en louant surtout la reconnaissance de Bassirou Diomaye Faye.
Lequel, dans son adresse aux Sénégalais [le 25 mars], dans un hôtel de la place, a décerné une “mention spéciale à Ousmane Sonko pour son désintéressement, sa détermination, sa vision, sa lucidité, son courage… qui ont fait que le projet a pu avoir un candidat”. Pour cela, dit Sylvie, “c’est lui l’artisan derrière cette victoire. C’est lui qui a incarné ce projet, ce parti. Il a bien travaillé en tant que leader.”
Mais pour notre interlocutrice, ce qui s’est réellement passé avec l’élection de Bassirou Diomaye Faye, c’est l’expression d’une volonté populaire qui cherche le changement, la rupture, le bien-être, le bon vivre-ensemble…
Changer le système
“Les Sénégalais réclamaient le changement, la fin d’un système, l’émergence de nouvelles valeurs, d’éthique… Voilà, nous y sommes. Bassirou s’apprête à devenir chef d’État.”
Elle continue en promettant qu’“on va changer de système. Mais le grand challenge pour ce jeune président, c’est comment mettre en œuvre cette rupture promise aux populations. Nous allons soutenir Diomaye parce que nous voulons le changement. Nous voulons une bonne gouvernance.”
“À l’issue d’un mandat, si on ne voit pas de résultats, on met un autre. Sonko, c’est l’architecte de ce projet. Nous ne faisons pas de la politique politicienne mais nous sommes pour la bonne gouvernance. Sonko et Diomaye, c’est comme La Mecque et Médine. Nous sommes là pour Diomaye et pour le Sénégal grâce à Ousmane Sonko”, insiste Sylvie.
Elle estime que les Sénégalais ont pris une belle revanche contre un système et rappelle que nos compatriotes ont souffert pendant ces trois dernières années, depuis les événements de mars 2021 où beaucoup ont payé le prix fort, y compris Diomaye Faye, qui n’a pas échappé à la prison, tout comme son mentor, Ousmane Sonko. Un mentor qui est, pour elle, “le grand vainqueur de cette élection” pour avoir porté le “projet”.